La CGT-INRA s'adresse à tous les personnels travaillant à l'INRA
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Message du 6 novembre 2014 - version imprimable

Pourquoi les conditions de travail
de toutes les catégories de personnel de l'INRA
se dégradent-elles ?
La dégradation des conditions de travail des personnels de l'INRA est la conséquence logique des politiques des gouvernements successifs dans l'enseignement supérieur et la recherche (ESR). Elle s'articule autour de trois piliers : restructurations de la recherche par la prolifération des structures (ANR (Agence nationale de la recherche), AERES (Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur), COMUEs (communautés d'universités et établissements), etc.) visant toutes l'affaiblissement des organismes de recherche ; baisse des budgets récurrents des organismes et des recrutements de titulaires ; et primauté du financement par projets et recours massif à la précarité.

De plus, l'INRA comme toute la fonction publique a été soumise à la RGPP (révision générale des politiques publiques), puis à la MAP (modernisation de l'action publique) dont l'objectif principal est la réduction du nombre de fonctionnaires. Les recrutements à l'INRA ont ainsi chuté depuis 2009 dans toutes les catégories, passant de 359 à 137 pour les ITA et de 139 à 39 pour les chercheurs.

Le cocktail - baisse des financements récurrents, croissance du financement par projet, baisse des recrutements, réorganisation de l'INRA - est la cause centrale de la dégradation des conditions de travail…

La réorientation de la logique du financement de la recherche se traduit par une baisse drastique des dotations sur crédits d'état « récurrents » et s'accompagne d'un accroissement considérable du financement sur projets. Cette politique bouleverse l'organisation du travail des unités et des personnels. Lorsque les crédits « récurrents » constituaient la majeure partie des financements, l'organisation du travail était planifiée sur le temps long, cela permettait des temps d'échange entre les personnels sur les projets en cours et les évolutions à venir. Avec un financement des unités basé quasi exclusivement sur les crédits sur projets et la pression à la publication, les objectifs de court terme deviennent surdéterminants expliquant pour une large part la dégradation des conditions de travail. Les réunions pour discuter des résultats de recherche ou des orientations de l'unité sont de plus en plus rares, il y a de moins en moins de temps pour se réunir, discuter, se former.

Par ailleurs, la logique de la RGPP/ MAP et la politique de la direction de l'INRA tendent à réorganiser l'INRA autour d'unités de plus en plus grandes. La création des TGU s'inscrit dans la continuité de cette logique. Ainsi, sur la période (2004-2013) le nombre d'unités se réduit de 24% et les moyens humains de l'INRA se concentrent dans un nombre réduit d'unités puisque les unités de plus de 90 agents (5,2% du nombre des unités) regroupent près de 25% des effectifs de l'INRA en 2013 (10% en 2008). Ce mode d'organisation vise à limiter le nombre d'agents affectés aux tâches dites « d'appui à la recherche » en mutualisant les moyens en personnel avec la création de plateformes et en focalisant les investissements sur un nombre réduit de grands ensembles. Pour gérer ces entités de grandes tailles, des procédures bureaucratiques se mettent en place avec des risques importants de déshumanisation du travail et de perte des liens sociaux essentiels au fonctionnement de la recherche.

1 / Une profonde évolution du métier de scientifique avec l'obligation de « faire du contrat » pour pouvoir travailler
Actuellement le travail de recherche est de plus en plus conditionné par la capacité du chercheur, de l'équipe à monter des projets afin de répondre à des appels d'offres. Cette activité de rédaction de projet consomme une part de plus en plus conséquente du temps de travail des équipes sans garantie de résultats. En effet, les échecs sont de plus en plus fréquents (cette année seulement 8% des projets déposés à l'ANR ont été retenus). La difficulté croissante pour accéder à des sources de financement entraîne une concurrence de plus en plus vive entre les chercheurs, les équipes.

La course au financement associée à la politique actuelle d'individualisation des rémunérations (PES, etc.) occulte progressivement le caractère collectif du travail scientifique et entraîne une baisse de confiance entre les membres d'une même unité, favorisant le développement de l'égoïsme au détriment des collaborations entre les personnels.

Ce que constatent d'autres personnes que la CGT-INRA : « Le plus inquiétant semble être l'incidence de ces modes d'organisation du travail sur la coopération qui, nous le savons, est déterminante tant pour la santé que pour la qualité et l'efficacité du travail. Mais ces évolutions ont aussi une incidence sur la liberté et la créativité du travail qui constituent pourtant, tous nous l'ont dit, ce qu'il y a de plus précieux pour maintenir l'engagement au travail, dans la mesure où ces facteurs sont à l'origine de l'intérêt du travail. » [1].

De plus, ce mode de financement entraîne une variation incessante du volume d'activité de l'unité et favorise le recours à des personnels précaires. La croissance du financement sur projet a entraîné une explosion du nombre de précaires. Aujourd'hui, ils constituent une part substantielle du potentiel de travail de l'INRA (866 équivalents temps plein sur convention de recherche en 2013 [2]). Leurs conditions de travail sont aussi dégradées que celles des titulaires et ils n'ont aucune perspective de titularisation. Les compétences acquises lors de leur passage à l'INRA sont perdues pour l'institut au terme de leur contrat. Cette politique entraîne un gâchis humain inacceptable. Ce n'est pas la loi de titularisation (loi Sauvadet) qui change la donne, car si elle permet de régler quelques cas, elle exclut l'immense majorité (à l'INRA, seulement 6 concours de titularisation pourvus en 2014 !!!).

[1] - Flot Cecil, « Le travail scientifique à l'épreuve de la logistique gestionnaire », Travailler , 2014/2 n° 32, p. 55-73. DOI : 10.3917/trav.032.0055
[2] - Bilan social de l'INRA 2013

2 / Des personnels Ingénieurs, Techniciens et Administratifs déstabilisés, déresponsabilisés et souvent démotivés par le mode projet

Toutes les conditions énoncées ci-dessus accentuent dangereusement la pression sur les ITA. L'accroissement du nombre de précaires accroît par exemple leur charge de travail car ils doivent les former lors de leur recrutement et les « remplacent » si besoin lorsque leur contrat est terminé.

Le fonctionnement des unités en mode projet se traduit en particulier pour les techniciens par le sentiment d'être ballotés d'un projet à l'autre. Leur contribution à tel ou tel projet se décide sans réelle concertation. Ils se voient de plus en plus comme les sous-traitants des chercheurs et se sentent mis de plus en plus à l'écart. La création de plateformes mises au service des équipes aggrave ce sentiment. Ce processus entraîne de considérables gâchis tant humains qu'en matière de déresponsabilisation et, donc, d'intérêt pour le travail.

Les collectifs de travail se fissurent avec la dictature du court terme et de « l'excellence » à tout prix. Les liens de confiance entre techniciens et chercheurs s'estompent. Dans le texte précité [1], les propos d'une technicienne illustrent ce changement d'état d'esprit : « […] avant, l'erreur faisait partie de mon travail, c'était normal. Je discutais avec le chercheur. Aujourd'hui, on me dit que je suis incompétente : cherchez l'erreur...»

Les techniciens n'ont plus de vision à long terme des orientations de la recherche. Le mal-être au travail des ITA s'exprime désormais par la peur de ne pas être à la hauteur, l'isolement dans le travail, le manque de soutien de la hiérarchie, la jalousie des collègues, voire l'épuisement du fait de l'accroissement de la charge de travail et la démotivation. Dans ces conditions, l'utilisation systématique et abusive par les « managers » de la notion « d'excellence » détruit le collectif de travail, isole et fragilise les agents, et renforce le mal être au travail.

3 / Une séparation progressive des fonctions dites « périphériques » ou d'« appui » des fonctions dites « de recherche »

L'insatisfaction au travail des personnels ITA est amplifiée par la taylorisation (parcellisation) du travail de recherche qui tend à séparer les fonctions afin de casser les solidarités inter-métiers.

Ainsi, celles et ceux chargés des fonctions telles l'administration, l'informatique, les plateformes, etc. sont-ils particulièrement concernés et déstabilisés par cette organisation. Ils ont de plus en plus souvent le sentiment d'être considérés comme des prestataires de services (objectif ouvertement visé par le « nouveau management ») y compris pour des demandes du secteur privé sans lien avec les équipes de recherche.

Or le travail de recherche suppose que l'ensemble des personnels comprenne les orientations et adhère au projet collectif de l'unité.

Cette politique se traduit aussi par une volonté de séparer fonctionnellement les gestionnaires d'unités de leur unité en les intégrant de plus en plus dans l'organisation du travail des SDAR (services d'appui à la recherche). Pour les informaticiens, elle se traduit par la volonté de mutualiser l'organisation du travail en multipliant les réseaux différenciés dans lesquels on leur demande de s'insérer (CATI (Centre automatisé de traitement de l'information), PEPI (Partage d'expériences et de pratiques en informatique), etc.) pour ensuite externaliser de plus en plus leurs tâches.

Ces réformes font « peser sur les ITA des fonctions support un lourd risque de perte de ce qui fait leur fierté et l'intérêt de leur travail : la qualité et la proximité du service qu'ils fournissent aux autres personnels ».[3]
Ces politiques favorisent le développement des comportements individualistes au détriment du travail collectif. Or «  la coopération est toujours associée à une certaine qualité du vivre ensemble et de la convivialité »[4]

[3] - Guibert Bruno, « La situation délicate des personnels « support » au CNRS. Un point de vue syndical», Mouvements, 2012/3 n°71, p.112-116. DOI : 10.3917/mouv.071.0112
[4] - Dejours Christophe, « La psychodynamique du travail face à l'évaluation : de la critique à la proposition », Travailler, 2011/1 n° 25, p. 15-27. DOI : 10.3917/trav.025.0015

Ces politiques, la généralisation du financement sur projet en particulier, sont à l'origine de la dégradation des conditions de travail. Elles multiplient les risques sociaux organisationnels, abusivement et intentionnellement appelés « RPS » (risques psycho sociaux), liés aux conditions d'exercice du travail et non pas dus à des facteurs individuels.
L'amélioration des conditions de travail ne sera possible
que si les politiques qui les génèrent sont abandonnées.

La direction de l'INRA lance une nouvelle « Charte du Management »…

Pour la CGT, une autre politique de la recherche,
orientée vers le progrès des connaissances scientifiques,
vers la satisfaction des besoins du plus grand nombre
et non inféodée aux objectifs à court terme des entreprises,

doit être mise en place.

Cette politique de recherche se caractériserait par :

  un véritable plan d'intégration pour tous les agents non-titulaires sur fonction permanente, et l'embauche de titulaires en nombre suffisant pour répondre aux besoins de développement de la recherche publique ;
  une forte augmentation du financement récurrent des unités (20 000€ par part chercheur minimum), afin d'assurer aux équipes la continuité et l'indépendance nécessaires pour leurs recherches ;
  la suppression de l'ANR, la suppression du Crédit Impôt Recherche et la réorientation des crédits correspondants vers les organismes de recherche ;
  l' arrêt de la politique de concentration des effectifs et de séparation des fonctions, et la suppression des TGU, indispensables au rétablissement de la confiance des personnels de l'INRA  ;
  la suppression de l'AERES (ou de son avatar le HCERES) et celle de l'évaluation individuelle des agents. Cela redonnerait du sens, de la cohésion aux collectifs de recherche, et favoriserait la coopération entre les individus : la recherche étant par nature un travail collectif. L'instauration ou la restauration d'un fonctionnement démocratique (conseils de services, conseils scientifiques…) est indispensable, et de nouveaux processus sont à inventer pour rendre compte collectivement ou individuellement de nos activités ;
  l'arrêt des audits multiples et coûteux, confiés quasi-systématiquement à des officines privées, ne visant qu'à l'instauration d'une gestion de type privé, inadaptée, dans notre institut… public !

Les délégués CGT dans les CAP (CAPN et CAPL) et les CHSCT
sont à votre écoute et peuvent être contactés pour vous aider !

A noter  : les résultats de l'élection des représentants du personnel aux Comités Techniques (CT de l'INRA et CT du ministère) déterminent également la représentation syndicale au sein des Comités Hygiène, Sécurité et Conditions de Travail (CHSCT de centre et CHSCT centraux, à l'Inra et au ministère)
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