Après avoir mené au pas de charge la réforme des universités, le gouvernement entreprend, sans concertation, celle des organismes de Recherche. Au centre de son offensive, la question de l'avenir et de l'organisation des sciences du vivant (biologie, écologie, santé, agriculture) dans notre pays, est posée. La communauté scientifique a appris par la presse (Le Monde daté du 21 mai) que la Ministre, Mme Pécresse, avait décidé de découper le CNRS en huit instituts, dont trois concernent directement l'INRA (Mathématiques, Sciences Économiques et Sociales, Écologie et Biodiversité) dans les disciplines où le CNRS est réputé être le leader, et de confier la coordination des sciences de la vie à l'Inserm, avec l'appui de l'INRA et du CEA. De telles décisions seraient lourdes de conséquences pour toute la recherche publique et l'ensemble des personnels, chercheurs comme ITA, quel que soit leur organisme d'appartenance. En effet, le ministère indique que les futurs instituts seront des agences de moyens qui négocieront le support à la recherche, moyens humains inclus, dans le cadre des conventions avec les universités. Selon nos collègues du CNRS (SNCS Hebdo 14/05/2008), le ministère souhaite lier les personnels des unités pour la durée du contrat quadriennal, et pour cela, la meilleure des solutions serait l'affectation des chercheurs et des ITA dans les universités sous la responsabilité de leurs « Super »-Présidents aux pouvoirs renforcés !
Dans le même temps, pas plus la Ministre que la Direction Générale n'ont indiqué les conséquences concrètes de la volonté exprimée par M. Sarkozy de regrouper l'ensemble des acteurs de la Recherche agronomique, organismes de recherche et enseignement supérieur. C'est pourquoi les syndicats du Cemagref ont refusé de discuter du plan stratégique, ne sachant pas si leur EPST (Établissement Public à Caractère Scientifique et Technologique) survivrait dans quelques mois. Par ailleurs, le gouvernement envisage de fusionner le Palais de la Découverte, un EPCSCP (Établissement Public à Caractère Scientifique, Culturel et Professionnel), avec des personnels publics, avec la Cité des Sciences, un EPIC (Établissement Public à Caractère Industriel et Commercial) avec des personnels privés, pour en faire un… EPIC ! Ce gouvernement ne s'interdit rien pour faire régresser les statuts des personnels. Suivez mon regard : le GIP INRA-CIRAD ne pourrait-il pas servir de matrice ?
Pour poser plus crûment la question, va-t-on vers un découpage de l'INRA, avec d'une part des unités, voire des départements, menant des recherches à caractère fondamental et rejoignant les instituts créés à partir du CNRS et de l'Inserm, et d'autre part, des unités et départements à vocation plus appliquée regroupés avec d'autres (Ecoles, Cemagref,...) dans une autre structure ? Direction Générale et Ministère doivent clairement garantir l'avenir de l'INRA comme organisme national de Recherche publique de plein exercice.
En effet, la soif de services publics n'a jamais été si forte qu'en ce moment où les besoins de solidarité et de lien social augmentent. Les besoins en recherche agronomique publique n'ont jamais été si importants car les exigences en alimentation sont énormes, croissants, sur des surfaces limitées, avec des conséquences globales sur l'environnement qu'il est absolument nécessaire de mieux connaître pour mieux le protéger et conserver les potentialités de notre planète.
L'INRA, en collaboration avec les autres organismes nationaux de recherche, doit être renforcé. Il faut créer des centaines de postes supplémentaires de titulaires pour aborder des questions difficiles, dont bien des principes restent inconnus. Dans tous les domaines, les équipes de recherches ont besoin de construire sur la durée des bases de données fiables, partagées, alimentant des modèles de plus en plus complexes et dont la validation nécessite rigueur, patience et sérénité.
Il faut recruter des étudiants bien formés, à l'esprit libre, au plus près des laboratoires de recherche et donc faciliter les échanges entre les organismes et les universités. Or, les universités vont mal et la LRU
(La loi sur la Liberté et Responsabilités des Universités) et les suppressions de postes risquent d'ouvrir une crise encore plus grave dans la plupart d'entre elles. Il faut au contraire créer de très nombreux postes statutaires de maîtres de conférences et d'IATOS (Ingénieurs, Administratifs, Techniciens et Ouvriers) à l'Université pour la rendre capable de préparer les générations à venir. L'ensemble des organisations syndicales « Recherche – Enseignement supérieur » chiffrait, en 2005, à 5.000 postes de titulaires le besoin dans ce secteur.
La politique gouvernementale attaque les services publics pour les livrer systématiquement au privé s'ils sont rentables et pour les laisser à l'abandon s'ils coûtent. Dans la recherche, en favorisant ces choix rentables à court terme au profit du privé, le gouvernement crée un immense gâchis d'intelligence, livre la connaissance à la spéculation, fragilise les carrières, dissuade les jeunes et lance les chercheurs et les équipes dans une course au projet à durée limitée, sans horizon au-delà des sacro-saintes quatre années entre deux évaluations. Le dirigisme et la bureaucratie sont à leur comble avec l'apparition de l'AERES (Agence d'Evaluation de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur) et de l'ANR (Agence Nationale de la Recherche). La compétition internationale, entre les régions, et entre les équipes au sein des régions, stérilise des pans entiers d'intelligence. Les projets gouvernementaux amplifient ces tendances qui ont déjà introduit une précarité massive à l'INRA. La mise en place d'instituts au sein du CNRS le transformerait en coquille vide chargé d'expédier les affaires courantes, tandis que des directeurs nommés par le ministre organiseraient la recherche à court terme au profit des entreprises favorites du gouvernement en place.
Individualisation des rémunérations, asservissement des crédits de recherche des unités aux critères étroits de rentabilité scientifique immédiate, liquidation d'unités expérimentales, redéploiements forcés en dehors des logiques scientifiques sur les pôles de compétitivité, pression croissante sur les agents du fait des réductions d'effectifs et de l'augmentation du nombre de projets de recherche…Autant de facteurs de fragilisation de notre organisme, déjà à l'œuvre et que les réformes annoncées vont aggraver.
Dans sa réponse à l'enquête de la Ministre reçue le 3 mars, la Direction Générale est elle-même forcée de constater la menace qui pèse sur l'organisme et de se prononcer pour le maintien de son autonomie de décision, contre une transformation en agence de moyens. Malheureusement, l'ensemble des mesures ensuite prônées par la DG vont à l'encontre de cet objectif et ne font que se couler dans le moule de la
La loi sur la Liberté et Responsabilités des Universités (LRU). Toutes les mesures proposées sont en particulier centrées sur le credo économique du mérite, la volonté d'attirer « les meilleurs » avec moult primes. Nous alertons en particulier les personnels sur les points suivants :