Au mois de septembre dernier, la Direction Générale de l'INRA a annoncé (1) à l'occasion de la sortie de sa charte interne des personnels contractuels (2) la mise en place d'un nouveau dispositif de recrutement des contractuels pour 2016. Ce nouveau dispositif a depuis été présenté aux Directeurs d'Unité (DU) ainsi qu'aux départements. Si l'intention première de la DG de chercher à identifier et à inventorier de manière explicite à l'échelle nationale l'ensemble des besoins dits permanents des unités peut apparaître louable, les faits sont têtus et nous rappellent bien vite à la réalité.
Ainsi cette charte prétend affirmer dans son action n°6 que « lorsque les missions ont vocation à s'inscrire dans la durée et conformément au principe de l'occupation des emplois permanents par les fonctionnaires, l'Inra souhaite privilégier le recrutement d'agents titulaires par la voie des concours externes ». Première nouvelle ! L'INRA souhaite maintenant recruter des fonctionnaires, nous voilà rassurés ! Puis la charte poursuit : « l'Institut met tous ses moyens au service des agents accueillis en contrat sur de telles fonctions pour les préparer à d'éventuels concours ». De qui se moque-t-on ?
Devons-nous rappeler que l'INRA est passé de 1 829 ETP (3) contractuels en 2009 à 2 600 en juin 2013, équivalent à une augmentation de 42% en 4 ans, conduisant à un constat édifiant où 24% du temps de travail annuel de l'INRA est désormais effectué par des non-titulaires, et ce sans compter les 2 500 stagiaires accueillis chaque année à l'INRA, faisant de l'INRA le 3ème EPST (4) à employer des précaires d'après le MESR (5) ?
Devons-nous rappeler, comme l'a entériné le dernier Conseil d'Administration de l'INRA de décembre, qu' il y aura en 2016 149 recrutements externes pour 193 départs en retraite ? Si l'on ne considère que les départs en retraite, qui ne sont qu'une partie des départs de l'institut, cela fait déjà 23% des départs non remplacés, renforçant l'effondrement qui a déjà eu lieu l'an dernier avec 52% des départs non remplacés, alors que le gouvernement continue de se targuer sans scrupule d'une prétendue « sanctuarisation » de la recherche publique !
Devons-nous rappeler que les recrutements externes s'effondrent chaque année un peu plus, passant de 329 recrutements externes en 2008 à 149 en 2016, entérinant une chute de 55% en 8 ans ?
Si l'on se réfère à la loi Sauvadet, qui avait soi-disant pour objectif initial le « recul structurel de la précarité dans la fonction publique », devons-nous rappeler l'application grotesque qui en a été faite par la DG ? Devons-nous rappeler que face aux 120 ETP contractuels « estimés » éligibles au dispositif Sauvadet par la DG, celle-ci, obéissant de manière zélée aux injonctions du ministère, a décidé de n'en proposer au concours que 40 sur 4 ans, éliminant alors de fait deux tiers de ces contractuels ? Devons-nous rappeler que ces concours ont été puisés sur le contingent de recrutements externes et internes, et fléchés sur des « priorités scientifiques » et non sur des contractuels éligibles au dispositif ? Qu'est-il donc advenu des 12 postes Sauvadet ouverts au concours respectivement en 2014 et 2015 ? Ont-ils cette fois tous été pourvus ? Ou cette fois encore certaines « priorités scientifiques » n'ont pu recevoir de candidats ?
La charte ose affirmer ensuite que « l'ensemble des principes énoncés dans la présente charte pour le recrutement, l'accueil et le suivi des personnels contractuels constitue le socle d'ambition et de référence de la politique des ressources humaines ». Nous poserons simplement une question : combien de fois apparaît le mot « titularisation » dans cette charte ? Zéro. C'est effectivement dire l'ambition qu'ont les Ressources Humaines de l'INRA en matière de politique de gestion des contractuels : une manne de précaires jetables à merci qui sert de variable d'ajustement pour pallier à l'effondrement des crédits récurrents de recherche et des personnels titulaires de toutes catégories !
Enfin la charte « réaffirme l'attachement de l'établissement aux valeurs de solidarité collective, de respect mutuel et de collégialité dans un souci d'équité et de respect des règles et des individus ». Equité, collégialité, solidarité… La DG cherche à faire de l'humour ? A l'heure où elle tente justement d'imposer le RIFSEEP (6) aux agents de l'INRA, nouveau régime indemnitaire qui est une véritable consécration de la méritocratie, et qui est donc tout sauf équitable et collégial, et qui a maintenant rassemblé contre lui près de 2 000 signatures INRA sur la pétition intersyndicale : l'ironie de la DG s'apparente ici davantage à du cynisme très mal placé, sinon à du profond mépris.
On comprend alors mieux pourquoi l'INRA a reçu le label « Human Resources Excellence in Research » [Excellence des Ressources Humaines en Recherche], cet anglicisme pédant décerné par… la Commission Européenne, celle-là même qui dicte à tous les pays de l'Union Européenne les coupes drastiques qu'ils doivent opérer dans leurs dépenses publiques, nous conduisant tous droit vers le chaos.
Enfin il n'est nulle part fait mention explicitement dans cette charte que l'agent contractuel a droit d'accès à la formation permanente au même titre que les titulaires, alors que ce droit a été réaffirmé lors de la dernière CCP du 19 février 2015.
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