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Message du 19 juin 2012

Semences végétales :
les salariés du public et du privé ensemble
pour l'accès aux ressources génétiques et
contre le brevetage du vivant


Les syndicats CGT des groupes  Limagrain, Vilmorin, Pioneer, In Vivo, Bayer Crop Science, du ministère de l'Agriculture, de l'INRA et la fédération nationale agricole et forestière (FNAF-CGT) communiquent leur position commune sur le brevetage du vivant et la protection des obtentions variétales :



NON A LA MARCHANDISATION DES CONNAISSANCES !
NON A LA PRIVATISATION DES RESSOURCES GENETIQUES !
NON AUX BREVETS SUR LE VIVANT !
OUI A UN PROGRES GENETIQUE AU SERVICE DE TOUS !


Les organisations cosignataires de la présente déclaration souhaitent alerter les institutions en charge de la politique et du développement agricoles de la France, et bien au-delà, tous les salariés, les citoyens conscients des enjeux liés au développement d’innovations végétales socialement utiles.

En effet, les atteintes aux ressources génétiques comme patrimoine commun de l’humanité comme celles à l’accès de tous les agriculteurs à des semences de qualité pour la souveraineté agricole et alimentaire se multiplient. Le dépôt de brevets sur les variétés par les transnationales des semences se poursuit. Au-delà, les dépôts de brevets sur le vivant et sur les connaissances en génétique sont depuis trop longtemps un des axes forts de la politique gouvernementale relayée par les directions d’organismes publics (INRA, CNRS CIRAD, CEA, Universités et tous les consortiums administratifs nés de la Loi d’Orientation et de Programmation de la Recherche et de l’Innovation etc…)

A l’origine, face à la politique de brevets sur le vivant, le Certificat d’Obtention Végétale (COV) permettait la reconnaissance du travail d’amélioration génétique par un droit payé par l’acquéreur de la semence, mais remettait les variétés nouvelles, comme ressource génétique, à la disposition de tous, sans préjudice donc pour l’accès aux ressources génétiques mondiales. Le COV est totalement compatible, dans son principe, avec le traité international pour les ressources phytogénétiques de 2003 signé sous l’égide de la FAO.
Mais nous constatons depuis 1991, et de façon aggravée par la loi française du 8 décembre 2011, la remise en cause du COV tel qu’il avait été conçu à l’origine. D’un côté la politique de brevetage des variétés ou de leurs caractères héréditaires par des STN (Sociétés Trans-Nationales) de semences continue, et d’autre part la position frileuse des semenciers français, qui devraient au contraire défendre et développer les mérites du COV, a été traduite dans la loi du 8 décembre qui devrait être abrogée.

Le dépôt de brevets sur des connaissances - la séquence, la cartographie d’un gène et ses fonctions (souvent putatives) - est un détournement caractérisé du critère d’invention, normalement décisif pour l’attribution d’un brevet.
Le bureau européen des brevets est financé par les dépôts de brevets eux-mêmes et dépend largement des multinationales des biotechnologies végétales. Cette situation soumet les relations entre la recherche publique et privée à des critères marchands qui fragilisent les politiques scientifiques d’une part, le développement industriel d’autre part. Les réticences à breveter qu’expriment des chercheurs tant dans le secteur privé que dans le secteur public témoignent à la fois de leur engagement pour le statut public des connaissances et du caractère inapproprié et inacceptable de ce type de valorisation des connaissances pour de véritables innovations socialement utiles.

Au plan international, le système de propriété intellectuelle par brevet sur les connaissances, s’il est toujours affiché comme l’outil favori des géants internationaux des semences pour conquérir de nouveaux marchés, s’oppose de plus en plus à la volonté des chercheurs des universités et des organismes publics nationaux ou internationaux du monde entier. Il est régulièrement dénoncé comme un frein au développement des connaissances, du fait de l’abandon de pans entiers de travaux, conséquence de revendications sur des droits de Propriété Intellectuelle, contraignant les organismes publics à la prudence, là où l’audace et l’initiative devraient être la règle.
Les brevets sont souvent dénoncés pour des motifs semblables par les chercheurs travaillant dans le privé. Enfin, et c’est un point crucial, globalement, le droit des brevets s’affronte aussi à une opposition résolue d’une immense majorité de citoyens au premier rang desquels figurent les agriculteurs.

Les brevets sur les gènes recouvrent des enjeux primordiaux pour l’humanité : la privatisation du patrimoine génétique mondial et l’appropriation par des intérêts privés de milliers d’années de savoir-faire et de progrès partagés, la détention par les STN des semences des clés de l’alimentation mondiale par un assujettissement total des agricultures, les inscrivant dans un développement de type capitaliste au détriment de la réponse aux besoins alimentaires en quantité et en qualité des populations, de l’emploi agricole, de l’environnement et de la diversité génétique.
Les récentes crises agricoles et alimentaires exigent la mise en oeuvre de politiques agricoles et alimentaires nationales répondant aux besoins alimentaires des peuples et visant leur souveraineté alimentaire nationale. Dans ces politiques nationales, la recherche publique notamment sur les semences et les biotechnologies, a un rôle essentiel.

Le traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture ratifié à la FAO en juin 2004 a tenté d’introduire le système de brevets sur les gènes (transgènes ou non, natifs ou issus de mutations dirigées) tout en prétendant continuer à garantir la reconnaissance des droits via le Certificat d’Obtention Végétale (COV). De fait, la présence d’un seul gène breveté dans le génome d’une variété exclut pratiquement celle-ci des ressources génétiques, contrairement au COV qui crée une synergie entre le progrès génétique et l’enrichissement des ressources génétiques mondiales. Le COV peut faire de ces ressources partagées et organisées un bien commun de l’humanité gratuit réellement accessible à tous. Le COV est soutenu par l’Union pour la Protection des Obtentions Végétales (UPOV) qui rassemble la majorité des pays du monde (Chine, ensemble des pays américains, européens, africains, océaniens, etc.). Son coût reste toutefois un obstacle à son utilisation par les réseaux de semences paysannes de sélection participative et des aménagements seraient souhaitables pour rendre cette extension possible.
Forte de ses services publics de recherche et de développement en lien avec les secteurs de l’aval, la France a su dans des conditions autrement plus difficiles qu’aujourd’hui (1946) mettre sur pied le système du COV, et convaincre ses partenaires internationaux.

Un récent rapport du CESE (Conseil Economique Social et Environnemental) attire l’attention des pouvoirs publics sur la dégradation des positions de la recherche et de l’innovation végétale françaises face aux tenants de brevets.
Sans hélas totalement clarifier sa position par rapport aux brevets sur le vivant mais tout en rappelant son opposition aux « brevets sur les gènes natifs », l’union des semenciers français (USF) a récemment pris position en faveur du COV. Hélas, sa conception du COV reprend la dérive que nous condamnons vers une privatisation progressive des ressources (notion de variété essentiellement dérivée (1), atteintes au droit effectif des agriculteurs à trier pour la ressemer une partie de leur récolte etc…)

Les organisations de la CGT signataires considèrent que le progrès génétique devrait être libéré du droit des brevets.
Il faut interdire le dépôt de brevets sur les gènes et leurs fonctions.

Pour cela, les lois sur la bioéthique doivent établir cette interdiction et l’élargir à l’ensemble des organismes vivants.
La France doit entamer une procédure à la Commission de Bruxelles, au Conseil des ministres européens et au Parlement de Strasbourg pour abroger la directive 98 autorisant le brevetage du génome et inscrire la liberté d’accès aux connaissances dans la politique européenne.

Par ailleurs, elles soutiennent le COV dans son principe fondamental.
Elles déplorent la mauvaise loi du 8 décembre 2011 et engagent toutes les parties à revenir à une conception du COV ouverte aux autres formes de gestion et de diffusion du progrès génétique, notamment dans les réseaux locaux de semences dites « paysannes ».
Elles demandent que pour défendre et mettre en oeuvre ces principes, soit maintenu le contrôle public sur l’inscription des variétés aux catalogues, nationaux et européen.

Seule, la maîtrise des recherches et de leurs objectifs par les organismes publics, leur contrôle par les nations et les peuples, peuvent garantir la libre circulation des connaissances et savoir-faire locaux, des ressources génétiques, de la mise à disposition des moyens de se développer pour tous les pays.

Le secteur des semences recouvre des enjeux stratégiques en termes d’indépendance nationale pour la maîtrise de notre politique agricole et notre souveraineté alimentaire. Cela exige la maîtrise publique de la filière nationale de production de semences, s’appuyant notamment sur le réseau de PME et de coopératives de ce secteur dont le statut doit être rénové et démocratisé afin de redonner toute leur place aux agriculteurs et aux salariés et sur un financement de l’ensemble de la sphère agroalimentaire. Cette exigence doit se concrétiser par la mise en place d’un office public des semences en charge de garantir l’indépendance nationale dans ce secteur, la diversité et le progrès génétique, et la mise en oeuvre de coopérations avec les pays en développement.Elles appellent les salariés, les agriculteurs et tous les citoyens à se saisir de cet appel et à en obtenir la traduction en actes dans leur entreprise, leur établissement, leur administration, sur leur territoire.

Montreuil,
Le 24 mai 2012

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- Version abrégée

(1) Une variété est jugée essentiellement dérivée (d’une variété déjà inscrite au catalogue) dès lors que le travail de sélection à a partir de la variété ancienne est minime et que les critères de distinction ne porteraient que sur un ou quelques gènes ou marqueurs génétiques. Comme il est impossible de fixer une limite minimum à un caractère de distinction, notamment à l’échelle moléculaire, cette conception du COV réduit dans les faits l’accessibilité des variétés en tant que ressources génétiques. La justification de cette mise à jour du COV dans la convention de l’UPOV de 1991 est une atteinte à la conception initiale qui ouvre la porte à toutes les tentatives de justifier les brevets sur les variétés.


Prise de position de la CGT-INRA sur INRA, GEVES (Groupe d'Etude et de contrôle des Variétés et des Semences) - juin 2012 :

INRA, GEVES et filière française des semences

Le secteur des semences recouvre des enjeux stratégiques en termes d'indépendance nationale pour la maîtrise de notre politique agricole et notre souverai

neté alimentaire.
Restructurer le GEVES tel que cela est actuellement envisagé du fait du désengagement de l'INRA serait lourd de conséquences pour les activités du GEVES, pour la filière semences et pour les personnels concernés ! En savoir plus !!

Une convention relative aux missions complémentaires de l'INRA a été signée le 2 mai 2012…
… avec les représentants des ministres de l'ancien gouvernement !

On remarque aussi que cette convention ne concerne pas que la génétique végétale et le GEVES, puisque les missions « complémentaires » confiées à l'INRA par le ministère de l'agriculture recouvrent 2 autres domaines : la génétique animale (Cf. la Station porcine du Rheu et Labogena) et l'inventaire et connaissance des sols (Cf. l' unité Infosol).

Face à l'importance des enjeux pour la filière des semences et dans les circonstances actuelles liées aux changements politiques,
la CGT-INRA demande que soit renégociée cette convention
et, en l'attente, que ses déclinaisons (notamment au GEVES) soient immédiatement suspendues.

Cet envoi est autorisé par la note de service 2003-36.
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