La CGT-INRA s'adresse aux Chercheurs travaillant à l'INRA

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Message du 11 mars 2014
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CAP Chercheurs
Séance plénière du 20 février

Le jeudi 20 février s'est tenue la plénière des CAP Chercheurs (DR – CR – ASC).

La CGT-INRA a fait une déclaration et posé un certain nombre de questions.

Questions de la CGT-Inra

Réactions de la Direction Générale

Pour cette CAP plénière, nous avions proposé un court diaporama, préparé par l'ensemble des représentants du personnel en CAP CR, visant à vous alerter sur la réalité du travail du chercheur. Nous ressentons tous, en effet, le fossé croissant entre la perception angélique qu'en a la direction de l'institut et les difficultés sur le terrain. Ce diaporama nous a été refusé au motif que les questions soulevées ne relèvent pas de la CAP plénière.

Si le vécu des chercheurs, leurs difficultés liées à la mise en œuvre de la politique de recherche publique au sein de l'institut, leur cri d'alarme vis-à-vis de conditions objectivement destructrices de cette recherche publique, ne peut être entendu et débattu ici, à quoi sert cette réunion ?

Nous sommes stupéfaits par ce refus de dialogue, refus d'entrevoir une réalité qui découle de la marche forcée conduite par les gouvernements successifs, depuis le début des années 90, pour « réformer/moderniser » la recherche publique ; ce qui veut dire passer d'une logique de service public à une logique managériale au service du marché. La réalité du monde de la recherche aujourd'hui apparaît aux yeux de tous ceux qui la vivent au quotidien comme un saccage, un saccage des conditions et des valeurs qui fonderaient une recherche indépendante, multiple et fiable, et un saccage humain qui mine la motivation et la confiance du plus grand nombre.

La première pierre dans le cimetière de la recherche publique, c'est le pilotage par le haut et par projets : métaprogrammes, ANR, Europe, les orientations sont identiques et ciblées sur quelques thèmes. Les chercheurs, qui n'ont plus de budget de fonctionnement indépendant (les maigres part-chercheurs passent en effet dans les frais généraux des labos) réorientent en permanence leurs sujets d'étude pour se placer tous en compétition autour des thématiques appliquées aux enjeux dits de société, se réduisant essentiellement aux enjeux intéressant les marchés. Sur ces enjeux, l'argent public coule à flots et les chercheurs ou unités les mieux placés dans la compétition touchent des sommes disproportionnées, alors que les autres, les plus nombreux, s'épuisent à tenter de rester dans la course à l'excellence. Cette année encore le budget des départements à été réduit de 13 à 15%, aggravant si c'est encore possible la carence de budget indépendant.

Accompagnant le pilotage par projet, la logique managériale mise en œuvre, basée sur le concept absurde de l'excellence permanente renforce la mise en concurrence des individus et des collectifs et le sentiment de n'être jamais assez performant. La bureaucratisation associée à ces évolutions atteint par ailleurs aujourd'hui des proportions alarmantes empêchant le chercheur de faire le travail de recherche qu'il a choisi et pour lequel il est formé. Le chercheur consacre aujourd'hui la plupart de son temps en recherche de financements, rédaction/soumission de projets, comptes-rendus de projets, préparation et retours d'évaluation, tâches administratives pour suivre des règles, respecter des procédures, se préoccuper de la sécurité ou de la qualité des tâches accomplies, pour vérifier et montrer que cela est effectivement fait, en remplissant des fichiers, en évaluant le temps et l'argent utilisés pour faire telle ou telle tâche. L'ensemble de ces tâches « à-côté-de-la-recherche » semblent souvent avoir un coût financier supérieur à celui qui suffirait à assurer un bon travail expérimental, et que le chercheur n'obtient plus.

L'ensemble des évolutions actuelles contribue à vider de sens le travail du chercheur et alimente malaise, démotivation et perte de confiance, intériorisés par chaque individu, et exprimés au sein des unités par des situations d'exclusion et de harcèlement que l'INRA ne sait pas gérer. Ce malaise n'est pas ressenti que par quelques représentants du personnel, il l'est par tous les acteurs de la recherche, les chercheurs au premier plan, et est analysé depuis des années par les chercheurs en sociologie des organisations et du travail (cf. Christophe Desjour, Vincent de Gaulejac, David Graeber, Béatrice Hibou…) ; les médias commencent même à s'en faire l'écho (cf. Le Monde sciences et médecine 17 février 2014).

Le gouvernement actuel donne tous les signes d'une poursuite de cette politique, sans réflexion ni pause. Comme disait V. de Gaulejac lors de la conférence qu'il vient de donner à Jouy-en-Josas sur la question : «  on sait qu'on va dans le mur mais on nous demande de pédaler de plus en plus vite  » ;

•  Les budgets de fonctionnement sont à nouveau restreints (-15%),

•  la PES, grand vecteur de compétition et de destruction des collectifs, est maintenue et confirmée sous l'appellation PEDR,

•  les fusions d'instituts à seules fins d'économies de moyens et de personnels s'intensifient avec pour l'INRA la constitution de l'IAVF, qui, concrètement signifie ‘faire plus avec moins d'agents permanents',

•  l'ANR, usine à gaz dénoncée par tous, est maintenue avec le handicap supplémentaire d'un budget amputé de 20% à 30%,

•  l'AERES, autre usine à gaz pompant le temps et l'énergie de l'ensemble des chercheurs, et ses évaluations aussi interminables qu'aléatoires, est maintenue en HCERES (on supprime juste le tampon final de la note globale…).

Face à cet état des lieux, les seules questions que nous souhaitons aborder aujourd'hui dans cette CAP concernent :

Le pilotage scientifique par le haut

La DG mesure-t-elle l'ampleur de la réorientation de la politique scientifique dans une logique top-down (métaprogrammes et appels d'offres nationaux et européens) ? Acceptez vous la perte de diversité thématique associée ?

•  La CGT demande le retour à des budgets récurrents permettant à chaque chercheur de mener son cœur de thématique, soit 20 000 €/an/chercheur.

Réactions de la DG

Pas de réponse de la DG sur ce point, si ce n'est qu'elle ne décide pas des budgets alloués par le ministère, et que le budget n'est pas du ressort de la CAP mais du Conseil d'Administration.

La mise en concurrence des individus et des collectifs

La gestion des « risques psychosociaux » est-elle l'unique réponse de la DG au malaise des chercheurs ? Acceptez vous la perte d'efficacité/fiabilité associée à la dévalorisation de la majorité des agents ?

•  La CGT demande que les analyses et alertes lancées par les sociologues du travail soient écoutées et que l'INRA rompe avec la logique de l'excellence et de l'évaluation quantitative, du « toujours plus avec toujours moins », en abandonnant toutes les mesures dites de politique incitative (PES, prime à la publi, lauriers, facteur h…).

Réactions de la DG

La DG affirme qu'elle écoute avec attention les messages issus des travaux des sociologues du travail et réfléchit aux moyens de minimiser le malaise dans la recherche (qui ne touche pas que les chercheurs, précise-t-elle). A ses yeux, ce point doit surtout être traité en CHSCT.

Les inégalités budgétaires pour des exigences de résultats similaires

La DG mesure-t-elle ces inégalités ? L'institut peut-il s'affranchir de donner à ses agents les moyens de travailler ? Acceptez-vous la perte de motivation et le malaise qui en découlent ?

•  Outre l'augmentation de la part-chercheur à 20 000€/an/chercheur, la CGT demande à ce que les unités déclarent à leurs départements le montant total annuel de leurs financements hors-INRA et adoptent un mode de répartition globale du budget au sein de l'unité.

Réactions de la DG

La DG est effectivement préoccupée par cette question et affirme qu'elle et les départements connaissent ou ont les moyens de connaître précisément les budgets de chaque unité. Elle considère utile que cet aspect des problèmes soit traité en CAP plénière l'année prochaine en profondeur, avec un travail en amont dans la CAP CR.

Le multitâche et la dispersion du temps de travail hors science

La DG mesure-t-elle la perte de productivité scientifique et le stress associé ?

•  La CGT demande à ce qu'une alerte soit lancée par la DG au niveau du ministère et qu'une réflexion collective soit menée pour rompre avec la logique de bureaucratisation des tâches. Nous demandons à ce que la responsabilité de ces tâches n'incombe pas individuellement aux unités ou aux chercheurs.

•  Nous dénonçons la charge induite par la multiplication des évaluations, des contrats (moyens et personnels CDD), et les modifications constantes des normes en contrôle-qualité/expérimentation animale/risques chimique /biologique/radio-actif.

Réactions de la DG

La DG ne peut que constater que ces normes ne vont pas aller en diminuant et s'en félicite (on doit respecter la sécurité, l'environnement, les animaux).

Bref la DG botte en touche sur le « multitâche »…

Le traitement des chercheurs dans les instances

L'évaluation, la progression de carrière, la mobilité et les sanctions vis-à-vis des chercheurs restent très dépendantes de l'avis des chefs de département et des CSS. Les CAP ont un rôle trop limité.

Concernant la procédure de suivi des chercheurs en alerte de type 3 en CSS, la CGT demande :

•  à ce que la CAP CR joue son rôle de médiation avant l'année n+6 après le classement d'une situation en niveau 3

•  et à ce que la procédure « années n à n+6 » décrite dans le livret-guide des CSS 2011-2014 (p. 13), qui n'a jamais été validée par les élus, soit rediscutée avec eux, et que le livret-guide soit revu en conséquence.

Réactions de la DG

La DG autorise la CAP CR à reprendre le sujet (ce qui n'avait pas été possible jusque là) et, si besoin, à formuler des propositions pour modifier cette procédure.

•  La CGT demande à ce que la CAP puisse adresser des messages aux CSS sur les situations individuelles particulières.

•  La CGT demande à ce que les messages envoyés par la CSS au chercheur et à sa hiérarchie aient la même teneur.

•  La CGT demande à ce que la procédure de mobilité des chercheurs, récemment formalisée dans le livret guide, soit validée sous la forme d'une note de service et ainsi discutée au comité technique.

Réactions de la DG

La DG ne répond pas point par point mais englobe ces demandes dans un travail à mener en CAP CR, et donne un accord de principe.

En conclusion : Globalement, la DG a apporté peu de réponses concrètes. Cependant, au fur et à mesure de la CAP, la DG et la DRH ont montré une plus grande volonté d'écoute par rapport à la précédente direction. La CAP plénière est en voie de devenir une instance pendant laquelle un sujet est analysé en profondeur (cette fois ci, « les CR1 seniors » : la CGT attend les décisions concrètes de la DG qui sortiront de nos discussions). Ce changement entrouvre la porte à une réflexion pouvant amener à quelques petites améliorations du sort des chercheurs (dans un système que personne ne cherche à remettre en cause fondamentalement, en dehors de la CGT…) En guise de conclusion : le ton de cette CAP plénière semble avoir changé, avec analyse approfondie d'un sujet. Cette nouvelle organisation sera-t-elle pérennisée, les délégués pourront-ils déterminer/proposer les sujets à traiter, et cela sera-t-il utile ? Avec la CGT nous y veillerons.

Pour contacter vos élus

DR
Jean-Michel Salmon et Bruno Fady

Experts CGT
Isabelle Denis et Christian Gary

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