La CGT-INRA s'adresse à tous les personnels travaillant à l'INRA
site de la CGT-INRA : https://intranet.inra.fr/cgt ou en Internet : http://www.inra.cgt.fr/

Message du 8 juin 2017 (version imprimable)

La CGT-INRA apprécie certes positivement la réapparition d'un Ministre de plein exercice pour l'Enseignement supérieur et la Recherche mais ne peut que déplorer la mise au même niveau d'une Innovation qui en dit long sur les intentions de ce gouvernement très proche du patronat.

De nouvelles consignes s'ajoutent à nos missions chaque jour. Depuis quelques années, il s'agit de comprendre les processus de production des plantes et animaux utiles, questionner les modes de productions, éclairer les citoyens, contribuer à la souveraineté alimentaire du pays mais surtout innover sinon rien !

L'innovation est le nouveau Graal de la quête de l'INRA. Sauver la planète oui, mais par le business. Or chacun peut le voir autour de lui dans son laboratoire, dans son environnement, cette marche forcée à l'innovation ne vaut rien de bon. En alimentation humaine, les modes et les incitations par les grands groupes de l'agroalimentaire s'imposent au détriment des analyses fondamentales scientifiques des déterminants d'une alimentation saine, variée et équilibrée. En amélioration des plantes, et comme on pouvait le craindre avec la fusion des départements BV et GAP de 2013, l'assimilation des laboratoires de biologie végétale à un département plus finalisé les contraint trop souvent à modifier leurs sujets de recherche pour satisfaire à une stratégie purement utilitariste. La marchandisation des connaissances par l'incitation au dépôt de brevet plutôt qu'à la libre diffusion des résultats par des publications est l'expression la plus pernicieuse de cette tendance. La recherche de systèmes agricoles basés sur une meilleure couverture des sols, sur une diversité plus grande, sur des espèces économes en intrants, pour éliminer les impacts négatifs sur l'environnement est même contradictoire avec la vision des groupes privés de l'environnement comme Veolia ou Suez qui font leurs profits du nettoiement de l'eau et de la nature.

Chargée de mettre en œuvre ce crédo, la nouvelle Direction Partenariat et Transfert pour l'Innovation (DPTI) entend mobiliser systématiquement tous les agents INRA au service de l'Innovation avec un grand « I ». La DPTI va jusqu'à diffuser la consigne de ne rien communiquer de nos travaux avant d'avoir évalué elle-même les possibilités de valoriser ces résultats d'après une « déclaration d'invention » que chacun est supposé déposer sur le site ad hoc.

Aucun nouvel instrument, nouvelle méthode, nouveau logiciel ne devrait plus lui échapper. Comme si, instruite par on ne sait quelle préscience de la demande sociale efficace, la DPTI saurait mieux que d'autres. Une bonne partie de nos activités de recherche, pour autant qu'elles restent indépendantes justement des intérêts partisans, ne permettent-elles pas de mieux définir cette demande et ainsi de bâtir une stratégie à l'échelle nationale ? Un service bureaucratique central comme la DPTI saurait-il mieux orienter nos recherches dans la jungle des centaines de milliers de PME et d'exploitations agricoles et forestières qui forment le tissu agricole et industriel de notre pays ? Cette nouvelle démarche pourrait bien s'appliquer à quelques grands acteurs comme les multinationales du grain, de la semence, de l'agrochimie ou de l'agroalimentaire. Mais est-ce bien là ce qu'attendent les citoyens du service public ? N'est-il pas temps que ces entreprises se dotent elles même de laboratoires, embauchent des ingénieurs bien formés, sur leurs propres ressources ? N'est-il pas temps de satisfaire les revendications des salariés de ces entreprises qui réclament des postes, des droits et un regard sur la stratégie de leurs entreprises ?

A l'exemple des FRALIB qui défendaient leur emploi, leur outil de travail contre le géant Unilever et en même temps analysaient de façon critique la dégradation voulue par leur direction de la qualité des produits de leur entreprise pour rentabiliser l'investissement. Au point que suite à la création de Scop Ti par les anciens salariés de Fralib, ils ont totalement revu le cahier des charges pour confectionner des produits nouveaux de haute qualité sociale, gustative et environnementale (1), à travers une politique d'approvisionnement scrupuleuse et ouverte au monde de la production agricole durable.

La DG de l'INRA et sa DPTI ne remettent à aucun moment en cause la demande sociale exprimée par les conseils d'administration des grands groupes, ainsi que l'illustre leur choix de promouvoir systématiquement les instituts Carnot (2) ou de satisfaire les besoins des pôles de compétitivité, comme à Angers ou Dijon…

 

Pour la direction de l'INRA désormais, l'innovation est strictement définie comme la mise sur le marché d'une chose nouvelle. Pas d'innovation sans marché mais cela peut concerner autant un service qu'un gadget ou un vrai progrès technique.

Une bonne loi agricole en revanche, n'est pas une innovation. Cette démarche s'appuie sur une analyse rétrospective, qui à l'origine de chaque innovation, met une ou plusieurs découvertes dans un de nos laboratoires en retraçant a posteriori les étapes. Naturellement, la plupart des innovations sont des sous parties des produits sur le marché et peuvent aussi faire appel à plusieurs découvertes. Les étapes de cette analyse (3), toujours selon la DG seraient au nombre magique de 9, depuis la connaissance la plus fondamentale jusqu'à la chose présentée dans la gondole de super marché. C'est alors que cette analyse historique extrêmement simple dans son principe est prise par la DG et renversée. Selon cette stratégie, la recherche d'innovations serait prodigieusement plus efficace si au lieu de partir de la fin, on mettait la fin au début de la recherche en anticipant dans tous les programmes de recherche. Et bien entendu, qui mieux que le marchand lui-même pourra dire quelle recherche d'amont serait utile ? Autrement dit, si l'on pouvait dire quelle étape 1 du fameux TRL se trouvait à l'origine des aboutissements de stade 9, on saurait à l'avance quelle équipe, quel projet il faudrait soutenir. Le rêve fantastique de toute agence d'objectif, de toute direction financière d'un grand groupe.

Dans certains départements, cette démarche prend la forme d'une promotion de la Recherche Translationnelle au rang « d'enjeu structurant ». Cet ordre nouveau, futur aussi antérieur que fantastique, justifie un mode de la production des connaissances où les utilisateurs d'innovations (réelles ou anticipées) participent à la mise en place des projets de recherche, comme on le voit de façon dominante dans tous les appels d'offre du programme de recherche géré par la commission européenne (H2020). Ils détournent même les concepts populaires de « recherche participative », partant de l'idée qu'une stratégie de recherche autonome est vouée à l'échec. Pourtant les chemins réels de l'innovation révèlent un grand nombre de culs de sac, d'applications inapplicables et on sait parfaitement que la reconstruction des chemins de l'innovation ne permettent jamais de prévoir ce qui va arriver. Du moins en ce qui concerne les vraies innovations (de rupture) qui presque toujours procèdent de rencontres plus ou moins hasardeuses.

Mais qu'importe, supposant que d'innombrables innovations potentielles seraient tuées dans l'œuf par l'irresponsabilité des chercheurs qui ne cherchent qu'à comprendre le monde, la DPTI veut maintenant veiller à ce que rien n'échappe à l'innovation et que la moindre recherche qui pourrait aboutir, soit mise sur les rails pour aller le plus vite possible et avec le moins de dissipation de ressources possible du point 1 au point 9, de la paillasse à la gondole.

Outre que ce genre d'approche revient un peu à écrire l'histoire avec des « si », elle est évidemment très orientée par une vision du marché dirigeant toute chose. Le même marché qui ruine les éleveurs bretons, ridiculise les volontés affichées de réduire l'émission des gaz à effet de serre et l'usage des pesticides, met gravement en danger la santé des travailleurs et développe les inégalités à un niveau inouï.

Sans compter que cette vision qui veut installer l'innovation à tous les niveaux de l'organisme, va aboutir à un surcroit de bureaucratie invraisemblable. Non seulement elle éloigne les laboratoires de leur mission de développement des connaissances sur le monde, non seulement elle veut mettre la recherche publique entièrement au service des intérêts de lobbies privés, mais elle mobilise des milliers d'heures d'ingénieurs, de juristes, d'administratifs qui seraient bien mieux occupés à mettre en œuvre des orientations de l'INRA pour la connaissance et des inventions pour tous. Au lieu de cela, la DPTI a pris aux départements les personnels qui travaillaient à la valorisation de résultats dans le contexte de stratégies de recherche cohérentes.

Cette situation ne serait pas trop grave si les dotations de base assuraient l'indépendance des laboratoires.

Mais comme les ressources non récurrentes constituent désormais l'essentiel de nos ressources et que l'obtention de contrats dépend de plus en plus de la perspective d'innovation à court terme, ou bien de la « participation » de groupes privés, cette doctrine a des chances de profondément perturber nos recherches. Et même d'en liquider certaines, avant même qu'un industriel ou un agriculteur ne montre jamais le moindre intérêt. Il est bien clair que de plus en plus nombreux sont les chercheurs qui n'obtiennent plus les moyens de leurs programmes même s'ils intéressent la communauté scientifique et sont porteurs de regards nouveaux sur le monde agricole, alimentaire ou forestier. Consternés, découragés parfois, ils témoignent de l'invasion des programmes orientés-business. Or, si la promotion de nouvelles techniques impose un investissement et un engagement, elle met le chercheur dans une posture qui remet en question une de ses qualités principales, celle de douter.

Vendre ou comprendre, il faut choisir. La conquête de marchés compétitifs n'est guère compatible avec ce doute qui est à la base de tout questionnement scientifique.

Même si l'INRA est un institut qui peut légitimement prétendre à changer un monde qui va mal, il est crucial que ces changements soient le fait de théories scientifiques et indépendantes.

A cette fin, la CGT-INRA défend plus que jamais un INRA 100 % public et indépendant de tous les lobbies, et revendique :

•  La fin de la soumission systématique de toute découverte et invention à une déclaration d'invention évaluée par la DPTI (Direction Partenariat et Transfert pour l'Innovation).

•  Le retour des agents chargés des partenariats sous la responsabilité des départements de recherche.

•  L'augmentation significative du soutien de base aux laboratoires , avec au minimum une dotation moyenne de 12 500 € par agent.

•  La création de services juridiques permettant de garantir le caractère public de nos découvertes, élaborer des contrats de recherches mutuellement avantageux mais garantissant absolument la liberté des chercheurs et de l'accès aux résultats, capable d'agir en justice contre toute tentative de prise de propriété privée sur les résultats de la recherche (4)

•  Une politique de publications dans des revues libres d'accès.

Refusons la marchandisation des connaissances !

(1) Selon leur désormais bien connu slogan publicitaire « 1336. éveille les consciences et réveille les papilles »

(2) L e Le but de ce service serait notamment d'attaquer les brevets que certains groupes privés entendraient prendre en détournant des résultats disponibles pour tous et publiés. Une telle situation s'est en effet déjà produite et à notre connaissance l'INRA, reculant devant le cout d'une action en justice et la complexité du dossier, n'a finalement rien fait pour « casser » les brevets.

Les Instituts Carnots sont des regroupements de laboratoires déjà financés au-delà de 10 % de leur fonctionnement par les groupes privés. Les instituts sont dotés de fonds ministériels qui permettent aux laboratoires de proposer leurs innovations aux industries. L'Etat subventionne d'une part du personnel pour promouvoir les résultats, sortes de VRP de la recherche publique et certains programmes de pré-développement.

(3) «  L'échelle   TRL   (en anglais   technology readiness level , qui peut se traduire par   niveau de maturité technologique ) est un système de mesure employé pour évaluer le niveau de maturité d'une   technologie   (matériel, composants, périphériques, etc.), notamment en vue de financer la   recherche et son développement   ou dans la perspective d'intégrer cette technologie dans un système ou un sous-système opérationnel. Le niveau TRL a d'abord été utilisé par les agences gouvernementales américaines mais cette notion s'est depuis largement diffusée et a été adopté par de nombreux organismes, entreprises ou institutions publiques de par le monde. Le TRL est en particulier un critère important dans le programme   Horizon 2020   de financement de la recherche par la   Commission européenne . » https://fr.wikipedia.org/wiki/Technology_readiness_level

(4) Le but de ce service serait notamment d'attaquer les brevets que certains groupes privés entendraient prendre en détournant des résultats disponibles pour tous et publiés. Une telle situation s'est en effet déjà produite et à notre connaissance l'INRA, reculant devant le cout d'une action en justice et la complexité du dossier, n'a finalement rien fait pour « casser » les brevets.

Elections des représentants du personnel
au CA de l'INRA

Vote par correspondance avant le 28 juin 2017

Soyez nombreux à voter CGT pour donner plus de poids à l'ensemble de ces revendications :
Votez, faites voter
pour les candidats CGT !

Cet envoi est autorisé par la note de service 2003-36.
Si vous ne souhaitez plus recevoir les messages de notre syndicat national cliquez ici